L’Alpe 05 : éditorial

« Les imprimeurs et les vignerons ont un saint patron commun : Saint-Jean-porte-la-tine, d’origine bourguignonne ! Les premiers pressent la feuille de papier, les deuxièmes le raisin. Ainsi naissent le livre et le vin. » Ces mots sont de Pierre Sauter, artisan d’Arts et métiers du vin, un bel ouvrage sur le musée d’Aigle en Suisse. On ne saurait mieux dire ce qui lie d’une manière si intime l’écriture et la dive bouteille chère à Rabelais.

Qu’on ne s’attende pas à découvrir ici un guide du vin dans les Alpes. Dans quelques années, lorsque nous aurons écumé toutes les caves de nos vallées, peut-être ! En attendant, sur la petite musique du vigneron qui monte à sa vigne, voici une traversée de la viticulture montagnarde. De l’Alpe maritime à la Slovénie en passant par le Diois et sa Clairette, le Trièves, la Savoie, le Chablais, le Valais, le Val d’Aoste, la Valteline, la Styrie et le Haut-Adige, partout où cela était possible, des hommes et des femmes se sont attachés à maintenir, voire à ressusciter, les plus beaux paysages de l’arc alpin.

Humble création où la peine des hommes se lit aisément dans chaque parcelle. Rétive à la machine, cette viticulture demeure bien souvent héroïque. Mais avant toute nécessité vitale, le travail de forçat de ces paysans-vignerons s’inscrit dans un élan culturel irrépressible. Comme les pentes où elle s’accroche, la plante-reine et le vin qui jaillit d’elle sont comme la face ensoleillée et heureuse de la vie de ces montagnards. Ramuz dira : « Le bon Dieu a fait la pente, mais nous on a fait qu’elle serve. »

André Pitte

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