L’Alpe 16 : éditorial

Paysages, pays sages, avions-nous initialement prévu de titrer ce numéro. Avant de nous souvenir que la lectrice, le lecteur, de L’Alpe ne se satisfait pas de la seule séduction des formules assemblées. Avant de mesurer à quel point ce pays pour partie alpin, la France, n’est plus si sage. Avant même que l’Assemblée ne soit élue. En cette actualité qui nous questionne tous (nous sommes en ce jour de «  bouclage  », le 21 mai 2002 ; soit un mois, jour pour jour, après le premier tour d’une élection présidentielle qui a vu les extrémismes bouleverser la donne), pouvait-on, fallait-il, éviter l’irruption du politique dans l’éditorial ?

Bien innocent qui dirait que L’Alpe n’existe pas, aussi, dans le champ du politique. Pas seulement pour quelques articles de société que nous avons décidé de faire paraître au fil des numéros (Le dur métier de politologue alpin au printemps 2000, Mais que veulent donc les Savoisiens ?, un an plus tard). Mais bien parce que notre première raison d’exister est là, dans ce grand chantier des connaissances mais aussi dans cette meilleure connaissance des autres et de leurs différences qui, nous le croyons encore et plus que jamais, feront reculer tous les obscurantismes. Jean Guibal le rappelait ici même dès le premier numéro de la revue : «  S’intéresser à une terre humaine implique la nécessité d’un regard particulier sur le monde qui se construit. Le patrimoine et l’histoire n’ont de sens que dans cette perspective. Ce monde, dont on nous annonce qu’il est planétaire et que nous voyons pourtant secoué de crispations identitaires, toutes plus «  localistes  » les unes que les autres.  »

Bien innocent également qui oublierait que publier, c’est choisir. Fondamentalement. Ici est le coeur de nos métiers de journalistes et de responsables de la rédaction. Choisir de partir à l’aventure, de privilégier l’ouverture, de nous (vous) secouer les neurones au gré d’approches qui bousculent nos (vos) confortables habitudes, de participer à la diffusion du savoir, d’aller à la rencontre de celles et ceux qui nous sont éloigné(e)s, choisir l’image qui dérange plutôt que la carte postale, choisir enfin de dire, d’écrire, qu’à sa dimension, très modeste, L’Alpe veut aider à faire en sorte que ce monde, notre monde, se construise non sur le fanatisme mais sur la culture, l’intelligence, la tolérance et la curiosité. Choisir l’échelle des Alpes, certes, mais en restant à l’écoute des murmures de la planète. Choisir, en somme, de rêver. Mais les yeux grands ouverts…

Pascal Kober

Retour en haut