L’Alpe 61 : éditorial

Quarante ans ou cent ans  ? 2013 autorise la célébration de deux événements dans l’histoire des Écrins  : la création du parc national, en 1973  ; mais aussi la mise en place du premier espace protégé en France, un «  parc national  » de La Bérarde, en 1913. Dans les deux cas et malgré les différences de taille et de projet, c’est de la sauvegarde d’une nature exceptionnelle qu’il s’agit. Mais surtout de sa mise en œuvre sous une forme administrative, imposée par l’Etat et sous la surveillance de ses services.

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Pour accompagner un tel (double) anniversaire, ce volume de L’Alpe pourrait donc compléter fêtes et cérémonies par une analyse historique et une réflexion prospective. Mais il se trouve que cet événement coïncide avec un changement en profondeur dans la définition et le mode de gestion des parcs nationaux. À la politique dirigiste doit succéder une adhésion des populations, consultées à travers leurs communes : tel est l’objectif de la charte qui doit être prochainement signée. Dans le même temps, la notion de patrimoine a évolué et permet de porter un regard nouveau sur le territoire et ses habitants ou usagers. Il ne s’agit plus de protéger une nature réputée sauvage ou vierge, mais un espace où les interactions de l’homme et du milieu dans lequel il évolue depuis des millénaires sont à l’origine de nos paysages. C’est donc bien de patrimoine culturel qu’il s’agit désormais  ! Et les espaces dits naturels en font partie.

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En quarante ans d’existence, de nombreuses actions des équipes du parc ont certes déjà considéré ce patrimoine. Pour conduire des inventaires, consigner des mémoires ou encore restaurer des éléments du bâti traditionnel. Mais dorénavant c’est le projet collectif tout entier qui sera mobilisé autour de ce regard sur les cultures du massif (car il n’y a pas qu’une culture des Écrins et cette diversité est l’une de ses plus estimables richesses). C’est donc autour de la gestion des espaces, de leur entretien, des pratiques et savoir-faire que sera fondée la politique de protection et qu’il s’agira de conserver voire de développer. Point de patrimonialisation excessive  : le parc n’est pas un musée, du moins pas dans sa fonction de conservatoire. Mais il peut l’être dans sa haute mission culturelle, dès lors qu’il est question de partage avec les populations, locales ou de passage, partage de savoirs, de plaisirs, de découvertes ou de valeurs.

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C’est pour accompagner ce projet, véritable refondation d’une institution à vocation culturelle, que L’Alpe trouve ici toute sa place et toute sa légitimité. Avec l’indispensable ouverture de la démarche sur l’ensemble du massif alpin et sur le vaste monde de la montagne.

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Jean Guibal
Directeur éditorial

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