L’Alpe 72 : éditorial

Vraie mer, fût-elle intérieure et d’eau douce, le Léman est au centre d’un massif central européen ponctué d’innombrables lacs de montagne. Pas vraiment au centre des Alpes, mais suffisamment proche pour que des reliefs imposants s’y reflètent à sa surface, contribuant de façon décisive à la construction de l’image romantique popularisée par Jean-Jacques Rousseau. Ce lac que l’on a longtemps nommé «  de Lausanne  », puis «  de Genève  » a engendré, sinon une culture commune, du moins des caractères originaux que partagent aujourd’hui des populations relevant de deux nations.

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Depuis les habitats lacustres du Néolithique jusqu’aux compétitions nautiques contemporaines, depuis la pêche au sublime (et rare) omble chevalier jusqu’à la viticulture installée de longue date sur les coteaux riverains, se sont ainsi tissés des savoir-faire et des «  savoir-vivre  » que ne peuvent distinguer des frontières tracées sur… l’eau ! C’est à la quête de quelques-uns de ces traits culturels communs, et à la recherche de leur «  alpinité  », pour des communautés partageant le substrat le plus important, la langue (hier le francoprovençal, aujourd’hui le français), que s’attache le présent volume de L’Alpe.

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Pour être liée à un musée et consacrée aux cultures et aux patrimoines de l’Europe alpine, notre revue ne saurait prétendre que les musées peuvent à eux seuls, si riches soient leurs collections, rendre compte du passé et du présent des sociétés humaines. C’est pourtant autour du musée du Léman, actuel et en projet, qu’est tentée cette approche de la culture lacustre. Rêvé dès le début du XXe siècle par ce grand spécialiste du Léman qu’était François-Alphonse Forel, ouvert à Nyon en 1954, cet établissement prépare en effet sa rénovation et son extension. Une opportunité pour mesurer, une fois de plus, que les musées suisses développent une forme de patrimonialisation originale, bien moins académique que celle pratiquée par les musées français ou italiens.

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Le travail sur le programme du musée du Léman est assez avancé pour que la rédaction de L’Alpe, assurée de la précieuse collaboration du conservateur de Nyon, Lionel Gauthier, et de son équipe, se saisisse de quelques thèmes et en propose son propre éclairage. Belle occasion d’un retour vers les cultures lacustres, déjà approchées avec le numéro 41 de la revue. Ô lacs  !

Jean Guibal
Directeur éditorial

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