L’Alpe 74 : éditorial

On n’imagine pas Germinal dans les Alpes ! Ou alors pour caractériser une certaine condition paysanne qui n’a rien eu à envier à celle du monde ouvrier  ! Mais il reste difficile de se représenter l’univers industriel auquel est toujours associée la mine, posé dans un décor d’alpage. Le massif regorge pourtant de minéraux et a été tôt et toujours prospecté et exploité, au point que la culture de l’un des premiers âges du Fer porte même le nom d’une cité minière des Alpes autrichiennes (Hallstatt). Ces premières extractions organisées se trouvent en outre dans la zone haute de la montagne «  humaine  » (entre 1 000 et 3 000 mètres), ce qui confirme que la connaissance des terres d’altitude a été précoce ou que le besoin en minéraux se faisait… pressant.

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Le sel, tous les minéraux ferreux, l’or et l’argent bien sûr, le charbon plus tard, tous les gisements exploitables ont été investis, au prix de prospections qui ont requis des capacités originales dans ce milieu particulier qu’est la montagne. Ainsi ces mineurs, à l’âge du Bronze, dont les traces archéologiques témoignent qu’ils devaient travailler en paroi (en rappel, donc !), pour extraire du cuivre. Ou cette autre originalité alpine, quasi emblématique, que constitue la quête des cristaux.

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Comme toujours lorsqu’il y a production de richesse, une hiérarchie sociale stricte se met en place. Par tous les moyens (de l’esclavage à la pluriactivité), le plus grand nombre est mis au service de ceux qui possèdent les concessions. Toujours aussi naturellement, ces situations produisent des cultures ouvrières riches et solidaires, même si l’on ne trouve pas, dans l’histoire des mineurs alpins, de grands conflits sociaux fondateurs comme ceux qu’ont pu connaître nos pères. Les cultures des Alpes, d’abord fondées sur celles des sociétés agropastorales, ont pu s’enrichir, ici ou là, de tels foyers de sociabilité ouvrière.

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Pour accompagner ce dossier consacré aux mineurs (à l’heure même où notre revue devient majeure : L’Alpe est née il y a 18 ans, le 24 octobre 1998) et toujours sur le thème de la connaissance de la haute montagne dans la société traditionnelle, on lira la relation très convaincante d’une découverte historique  : des hommes avaient conquis plusieurs sommets des Alpes bien avant que les alpinistes n’y réalisent des soi-disant premières, aujourd’hui largement médiatisées. Il s’agissait, au milieu du XVIIIe siècle, des topographes militaires, assistés d’habitants du pays, établissant les cartes sous la direction du lieutenant-général de Bourcet. Il ne déplaît pas à l’équipe de L’Alpe d’ouvrir ainsi un beau chantier sur la connaissance de l’histoire de la conquête des sommets du massif.

Jean Guibal
Directeur éditorial

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