L’Alpe 80 : Les Alpes de Lartigue

Portfolio

Les Alpes de Lartigue

Le musée de l’Élysée, à Lausanne, présente La vie en couleurs, une série d’images inattendues du grand photographe que chacun connaît surtout pour son noir & blanc… L’occasion de découvrir aussi sa tendresse pour les Alpes dans lesquelles il met souvent en scène ses personnages et notamment Florette, sa femme. Une exposition comme un hymne à la joie…

Sa première photo, il la prend en 1901, à l’âge de… sept ans ! Sa première photo en couleurs, à peine onze ans plus tard. Les frères Lumière viennent alors de commercialiser leur autochrome, premier procédé industriel permettant de fixer les couleurs (voir les numéros 39, 60, 64 et 70 de L’Alpe). Lartigue s’en empare avec gourmandise…

De Chamonix à la Méditerranée, il fera chatoyer les couleurs de l’alpe comme personne, se jouant des bouquets de fleurs, des paysages enneigés comme des vêtements chamarrés de ses modèles. Mais le photographe, qui était également peintre et savait passer de longues heures sur le motif, n’aimait rien tant que la spontanéité et la réactivité immédiate de la photographie. Il abandonne donc l’autochrome en 1927 en raison des temps de pose de plusieurs secondes qu’imposent ces plaques si peu sensibles à la lumière.

Après les années 1950, c’est au Rolleiflex et au Leica, que Lartigue opère. Et on s’aperçoit ici que plus du tiers de sa production est en couleurs ! Le photographe voyage beaucoup mais il a aussi quelques ports d’attache alpins. La famille de Florette, sa troisième épouse, est originaire du petit village de Piozzo, dans le Piémont dont il dira : « Je crois bien que c’est ici […] que je voudrais fabriquer mon nid. » Lui-même acquiert une maison à Opio, dans les Alpes-Maritimes. Et pour les sports d’hiver, c’est à Megève qu’il se rend dorénavant. Partout, il met en scène Florette en muse multicolore dans de savantes compositions.

Une surprise que de (re)découvrir ainsi ce photographe que l’on croyait si profondément ancré dans le noir & blanc ? Pas vraiment. Souvenez-vous… La plus élégante des photos jamais réalisées pour le portrait officiel d’un président de la République française a été celle de Valéry Giscard d’Estaing en 1974. Son auteur ? Jacques-Henri Lartigue en grand-père espiègle de quatre-vingts ans !

Dans une autre vie, le rédac’ chef de L’Alpe a été journaliste spécialisé en photographie. J’ai ainsi eu le privilège de faire la connaissance de Jacques Henri Lartigue à Arles, au début des années 1980, lors des Rencontres internationales de la photographie. Un grand monsieur délicieux qui respirait bonheur et joie de vivre. Et quand on lui demandait le secret d’une belle photo, il répondait toujours : « Soyez amoureux ! » On ne saurait mieux dire face à cette centaine d’images qui vont vous enchanter au musée de l’Élysée.

PASCAL KOBER

À voir
Jacques Henri Lartigue. La vie en couleurs. Exposition au musée de l’Élysée à Lausanne (Suisse) du 30 mai au 23 septembre 2018.
Le site Internet de la Donation Jacques Henri Lartigue.

À lire
• Lartigue, la vie en couleurs. Textes de Martine d’Astier et Martine Ravache. Éditions du Seuil. 168 pages.

Photo ci-dessus : « Moi et Germaine Boivin. Chamonix, janvier 1919. » Photographie prise au déclencheur. Détail d’une plaque autochrome stéréoscopique 6 x 13 cm. Photographie Jacques Henri Lartigue © Ministère de la Culture – France / Association des amis de Jacques Henri Lartigue. «  Bal costumé au Savoy. Nous serons en sœurs jumelles de l’époque des Malheurs de Sophie  : petites crinolines par-dessus des pantalons en toile blanche et dentelle. Des jumelles qui ne se ressemblent pas beaucoup, puisque le haut de la tête de ”G.B.” m’arrive aux yeux. Elle qu’on ne voit jamais fardée, est devenue jolie avec ses grands yeux de grenouille en amande qui ressemblent à des flaques d’eau. Moi, dès que je m’habille en fille, je retombe dans le style ”roseau aux pieds en dedans” de mes seize ans. »

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