L’Alpe 10 : éditorial

«  Les plantes entrent en sommeil, les gens finissent de récolter et de mettre leurs biens à l’abri, les bêtes sont rentrées «  au lien  ».  » En quelques mots essentiels, l’ethnologue Arnold Van Gennep ouvre le cycle des fêtes qui vont de la Toussaint à l’Epiphanie et à la Saint-Vincent. Et il rappelle que les Avents, ainsi que le «  cycle des Douze Jours  » qui s’étend de Noël jusqu’aux Rois, existaient dans toute l’Europe bien avant sa christianisation. Qu’on se souvienne des Saturnales de l’Antiquité romaine et des réjouissances qui les accompagnaient… Qu’on se souvienne des esclaves qui prenaient la place des maîtres…

Noël ! Entre le boeuf et l’âne gris, entourée d’agneaux et de bergers, une Vierge nous donne un enfant. Cette naissance, ou plutôt cette renaissance cosmique, cette puissante métaphore plantée au milieu de l’hiver et de la nuit, rassemble les vivants dans la proximité des bêtes autour du feu. C’est pour associer les disparus de la famille à cette joie (et non par crainte) qu’on leur laisse parfois quelque chose à boire et une bûche allumée avant d’aller se coucher. Cette célébration est promesse d’une mystérieuse germination qui enchante encore le coeur des hommes.

Déguisements, quêtes et mascarades… Ces pratiques innombrables ouvrent l’autre grand cycle qui annonce la fin de l’hiver et le retour du soleil, celui de Carnaval-Carême. Toutes ces fêtes plongent leurs racines dans de très anciennes croyances et célèbrent des divinités oubliées où la nature occupe une place centrale. «  Que tu es bête, ça revient toujours le printemps  », dit admirablement un paysan à sa promise dans le film Farrebique de Georges Rouquier. Quelle saison nouvelle, quelle plaisante verdure annonce la «  potironesque  », vénéneuse et mercantile Halloween, réimportée from U.S., qui est à la fête ce que le poulet en batterie est au cochon de nos ancêtres ? Passe encore pour les marchands, mais le monde n’est pas qu’une marchandise !

André Pitte

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