L’Alpe 65 : éditorial

La flore alpestre… sujet un peu convenu, pensez-vous ? Il est vrai que le thème bucolique de la petite fleur de montagne revient comme un leitmotiv dans certains magazines… Aussi (et notamment à la demande de plusieurs lecteurs), le bouquet d’articles de ce numéro vous ouvre-t-il largement d’autres horizons. Il est ici question de fleurs, certes, mais observées sous des angles qui parlent avant tout des hommes. Et bien sûr traitées avec le regard décalé de L’Alpe !

L’incroyable diversité florale qui colonise les pentes dès le printemps est un enchantement pour les promeneurs. Mais aussi un fabuleux sujet d’études pour les botanistes. C’est le médecin dauphinois Dominique Villars qui, au XVIIIe siècle, à l’instar d’autres savants ailleurs dans les Alpes, herborise entre Écrins et Chartreuse, amassant des centaines de plantes, découvrant de nouvelles espèces et réalisant de remarquables herbiers qui font encore référence de nos jours. C’est encore, un siècle plus tard, le Suisse Henry Correvon imaginant les premiers jardins alpins dans le cadre de son combat pour la préservation d’une flore alors fortement menacée par les touristes. À commencer par l’edelweiss. Érigé (étonnamment, cette fleur est du genre masculin !) par les visiteurs en symbole romantique de l’alpe, il s’est imposé comme emblème identitaire des pays alpins, faisant naître pseudo-traditions, légendes et une luxuriante floraison de représentations.

Une plante à fort potentiel commercial… mais pas la seule. Car pour les Alpins d’autrefois, qui n’avaient pas le loisir (eux…) de s’émerveiller sur leur beauté, les fleurs jouaient avant tout un rôle notable dans l’économie domestique. Pour la pharmacopée familiale, d’abord, mais aussi pour la vente, comme souvenirs touristiques très appréciés ou, comme ce fut le cas des colporteurs-fleuristes de l’Oisans, pour en faire le commerce jusqu’au fond des Amériques. En Haute-Provence, on les cultivait même à l’intention de l’industrie du parfum.

Aujourd’hui, les choses ont-elles vraiment changé ? La montagne n’a rien perdu de son côté «  fleur bleue  », souvent hélas au détriment d’une flore alpine fragile. Les motifs de l’edelweiss, de la gentiane ou du rhododendron font toujours florès et l’on redécouvre les vertus de certaines espèces, cultivées désormais en plein champ… n’en déplaise au mythe !

Laissez-vous donc conter fleurette dans ce numéro qui vous entraîne également sur une lointaine Montagne d’Or et dans une traversée pédestre des Alpes, bel écho contemporain aux regards portés par les voyageurs des siècles passés.

À toutes et à tous, un bel été fleuri !

Dominique Vulliamy
Rédactrice en chef adjointe

 

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