L’Alpe 08 : éditorial

D’aucuns pourront s’étonner que l’on ait mêlé, dans ce numéro de L’Alpe, le regard des ethnologues et celui des naturalistes, que notre bestiaire prête autant d’attention aux êtres fantastiques qu’aux animaux «  réels  » des Alpes. Ces derniers, on en conviendra, bénéficient d’une telle littérature, font l’objet de tant de soins attentifs de la part des parcs naturels, des écologistes et amoureux de la montagne dite sauvage, qu’il ne semble pas indispensable de s’y attarder longuement. Les premiers, par contre, moins connus ou moins étudiés, viennent illustrer un autre rapport ancestral de l’homme avec la nature, ainsi qu’en témoignent les récits légendaires et tant d’autres formes de croyance.

Ce mélange est l’occasion de rappeler que les images valent la réalité. Ou tout au moins que l’on ne peut comprendre les cultures humaines sans passer par un détour auprès de ces créations imaginaires, transmises et confortées le plus souvent par la littérature orale. On ne saurait en effet déchiffrer les polémiques sur la présence du loup dans les Alpes sans se souvenir que le loup-garou y fut longtemps craint, autant sinon plus que canis lupus. Pour l’ours et Jean de l’Ours, le dahu ou les innombrables dragons qui peuplent ou ont peuplé les Alpes, pour les formes les plus diverses que peut prendre la vouivre, il n’en va pas autrement

Ces êtres fantastiques (sur lesquels il faudra assurément revenir, tant ils composent un univers riche et révélateur) ont pour la plupart été oubliés, ou ne sont plus transmis. Fort heureusement, les récits ont été collectés, en maints lieux sinon partout. Dans les Alpes françaises, l’oeuvre de Charles Joisten (conservateur au Musée dauphinois de 1967 à 1981) est incontournable. Elle a fait l’objet de nombreuses publications et contient encore, sous forme de fiches en cours de classement, une mine précieuse de renseignements.

Noble mission que d’exhumer et de mettre en valeur ce légendaire ; et encore n’aura-t-on qu’à peine abordé (avec l’homme sauvage) les êtres fantastiques à forme humaine : il est vrai que les fées peuvent attendre…

Jean Guibal

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