L’Alpe 13 : éditorial

L’Alpe comme vous ne l’avez jamais entendue. Cet automne, votre revue est multimédia. Non que nous cédions à quelque mode passagère mais bien parce que ce thème-là, les chants d’un monde, ne pouvait se satisfaire des seuls mots, des seules images. Voici donc L’Alpe mise en sons. En sons plutôt qu’en notes. Parce que nous aimons la musique improvisée et que la musique improvisée ne s’écrit pas. Mais aussi et surtout parce qu’au fond, c’est le Canadien Murray Schafer qui, en inventant, dans les années soixante-dix, le joli concept de paysage sonore, a esquissé, sans le savoir, le sommaire de ce numéro et du disque que nous vous proposons en complément.

Les chants d’un monde, donc. En clin d’oeil à l’un des plus grands éditeurs de musiques ethniques, voici les variations et fugues du minéral, du végétal, de l’animal et, in fine, de l’homme qui s’est inspiré des refrains de la nature alpine pour imaginer ses instruments, trousser ses mélodies et arranger savamment les expressions musicales les plus déroutantes. Il n’y a pas plus montagnard que le bois torturé du cor des Alpes. Pas plus montagnard non plus que ces grandes conques qui se retrouvent au fond d’une vallée helvétique comme dans un monastère au sommet de l’Himalaya et qui disent les séculaires tribulations des voyageurs de l’alpe. Pour autant, il n’existe pas, dans nos montagnes, d’homogénéité de style. Et si certains jeunes musiciens d’aujourd’hui se risquent à des aventures mêlant la poésie des aïeux aux rythmes du rock’n’roll, le folk revival alpin (en écho au renouveau de la musique celtique) n’est pas pour demain, tant les approches musicales sont ici éclatées.

Ce numéro et ce disque vous en dévoilent quelques facettes. A côté du foisonnement des diverses expressions traditionnelles, nous avons découvert un monde en harmonies : les grands noms de la musique classique séduits par les paysages alpins, les compositeurs contemporains qui osent des recherches proprement inouïes, les chasseurs de sons et les créateurs de tout poil, Robert Doisneau en tête. Pour prolonger le plaisir et parce que le journaliste comme le photographe ne connaissent pas ce formidable retour du public juste après l’énoncé final d’un thème, nous avons enfin imaginé les festins alpins, une grande fête où seront invités musiciens et producteurs de fromages et de vins des Alpes. Un disque, des concerts et encore bien d’autres belles surprises pour les prochains numéros de la revue, voila qui explique l’augmentation du prix de vente de L’Alpe, le prix d’une information exigeante et singulière (en ces temps de rentrée littéraire, savez-vous le prix d’un vague roman imprimé en noir et blanc ?). Et puisque la plupart d’entre vous nous sont fidèles, nous n’avons pas modifié nos tarifs d’abonnement. Une raison supplémentaire pour vous faire livrer chez vous, chaque trimestre, la première revue sur les cultures et les patrimoines de l’Europe alpine.

Pascal Kober

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