L’Alpe 36 : le voyageur immobile

Fureter sur Internet pour découvrir d’autres ressources qui viennent compléter nos articles. Telle est la difficile mission confiée à notre cybercolporteur dans cette jungle touffue. Une activité qui mêle l’utile, le futile et… l’immobile, en clin d’œil à Giono. Mode d’emploi de l’alpe virtuelle.

Dans La bibliothèque de Babel de l’écrivain argentin Jorge Luis Borges (http://hamete.org/babel/), le monde est une bibliothèque infinie où existent tous les livres possibles, passés, présents et futurs, parmi une infinité d’ouvrages vides de signification car composés au hasard. Qui a déjà cherché des sites dans l’immensité du Web a sans doute connu ce sentiment : dans le vacarme ou l’inanité, il faut déceler des miettes de sens, et parfois trouver des trésors. Mais revenons un instant en arrière : d’où viennent ces petites sélections de sites qui apparaissent çà et là dans L’Alpe ?
Voilà bientôt trois ans, on me proposa de réaliser pour ladite revue une sélection de sites en adéquation avec les thèmes abordés au fil des numéros, en veillant à ce qu’ils soient imagés, originaux, documentés… Et comme il se trouve qu’une de mes spécialités est le tourisme (et a fortiori les relations entre voyage et Internet, voir par exemple blogtourisme.com), le rédacteur en chef m’a suggéré de revenir sur mes voyages virtuels pour ce numéro consacré aux pérégrinations dans l’alpe.
« Mi-flâneur, mi-rat de bibliothèque  » menant un exercice éclectique, selon la tentative de définition donnée pour le Dictionnaire encyclopédique des Alpes, le cybercolporteur navigue à vue : parfois un thème se révèle pauvre en ressources originales, parfois au contraire les matériaux sont surabondants.
Partir à la pêche aux sites, comme d’autres plongent dans les mers chaudes en quête de perles, réserve parfois des surprises. On peut verser des larmes devant l’écran (comme lors d’une enquête pour Le Monde sur les cimetières en ligne, en parcourant les pages émouvantes où des parents parlaient de leur enfant disparu). Qui croit que le Net coupe de toute émotion n’a jamais ou pas assez navigué : L’Alpe a ainsi valu à son cybercolporteur bien des éclats de rire lorsqu’il a eu l’occasion de relire, sur le site du Projet Gutenberg, Le Voyage de Monsieur Perrichon (http://www.gutenberg.org/etext/9453), une inénarrable comédie de Labiche à (re)découvrir.

Des chouchous, des géants et des petits passionnants

Il y a des sites auxquels on ne peut, ni ne veut, éviter de rendre visite régulièrement, tant on est sûr d’y dénicher des choses de valeur. Pour cybercolporter, c’est le cas d’un « régional » et d’un « national ». Le premier est le site des archives savoyardes, le très fourni et bien conçu www.sabaudia.org. Ma première rencontre fut celle du dossier sur les petits ramoneurs, http://www.sabaudia.org/v2/dossiers/petitsramoneurs/enfants1.php : iconographie variée, cartes et textes, bref un modèle du genre. Et pour fouiller en quête de vieux livres, l’énorme site de la Bibliothèque nationale de France (www.bnf.fr) est le Web à explorer. De façon moins franco-centrée, le projet Gutenberg (www.gutenberg.org), qui met en ligne des trésors du domaine public du monde entier, est fortement recommandé.
Cybercolporter donne parfois l’impression d’ouvrir des petites portes derrière les noms d’auteurs, de lieux ou d’œuvres semés par les plumes de L’Alpe. Prolonger la lecture d’un article par un document qui s’y rattache, comme ce texte sur les relations tumultueuses entre Pierre de Coubertin et le « bouillant docteur Tissié » (http://www.coubertin.ch/pdf/PDF-Dateien/114-Durry.pdf ), offre le plaisir de plonger dans la correspondance de deux personnalités du XIXe siècle et de mettre, grâce à la Toile, de la chair sur ces noms.
De même peut-on fureter autour des écrivains et de leurs œuvres. Pour Dino Buzzati par exemple, avec le site http://www.geocities.com/Athens/Delphi/8892/index.html, en anglais et en italien, qui édite des extraits, des tableaux et dessins de l’écrivain, des photos, un enregistrement sonore… Bien sûr, conformément à un axiome du grand écrivain de science-fiction américain Isaac Asimov, selon lequel 90 % de n’importe quoi est sans intérêt, l’exercice nécessite de trier nombre de sites moyens ou médiocres, contenant peu d’informations ou mal conçus. Mais, pour naviguer sur le Net depuis douze ans, il me semble que si l’ergonomie reste souvent maltraitée, les contenus s’améliorent visiblement au fil du temps. Et à côté des sites institutionnels, quel plaisir de trouver çà et là des petits sites d’amateurs dont la valeur vaut bien celle de plus gros. En quête de moulins, on accoste ainsi un jour sur un site personnel, http://moulinafer.free.fr/Mines.html, dû à un amateur d’archéologie industrielle qui transmet avec talent ses connaissances.

Boussoles et fil d’Ariane

Chercher des sites dont on pense qu’ils prolongent ou font un contrepoint utile ou amusant à un article relève rarement du coup de Google magique. La page la plus appréciable, bien souvent, est… celle des liens externes (un site sans liens inspire d’entrée une certaine méfiance, comme une maison dont l’architecte aurait négligé les fenêtres). Pour aboutir à un site captivant, le parcours s’est souvent fait de page de liens en page de liens, jusqu’à avoir trouvé, soit le meilleur lien depuis un autre site, soit l’information qui permet d’affiner une quête : le nom exact d’un livre, l’intitulé d’un musée qui permet de chercher son site, etc.
Tout voyageur a néanmoins son guide ou sa boussole. Le labeur du cybercolporteur serait bien plus ardu sans ces deux premiers outils fondamentaux pour entamer toute recherche sur le Web (qu’une jolie mais significative coquille fait écrire par certains World Wild Web comme le Wild West, l’Ouest sauvage, au lieu du World Wide qu’est cet ensemble en expansion continue) : Google d’une part, Wikipédia d’autre part. Inutile de s’appesantir sur Google, sinon pour dire que Google Maps et Google Earth offrent de beaux voyages virtuels : proposez à enfant ou un novice de la Toile une vue de sa maison ou sa ville vue du ciel, succès garanti !
Wikipédia (http://fr.wikipedia.org), fabuleuse encyclopédie (malgré des hoquets et des aléas) élaborée par des milliers d’internautes, où tout sujet peut être couvert, du plus anecdotique au plus classique, est une base de départ incroyablement riche. Pour s’orienter, elle est un guide remarquable, même s’il est souvent inégal (le passage par les différentes langues est souvent fécond : les versions allemande ou italienne pour des sujets relatifs aux Alpes bavaroises ou au Piémont par exemple seront généralement plus riches que la française).
L’encyclopédie vogue vers le demi-million d’articles en français et en totalise plus de six millions dans deux cent quarante-neuf langues, dont douze versions au-dessus de cent mille articles chacune. Signalons d’ailleurs que la version française de Wikipédia a un portail montagne (http://fr.wikipedia.org/wiki/Portail:Montagne) qui pourrait largement être étoffé, avis aux amateurs (rappelons que les portails regroupent des articles et catégories d’articles par thème).
Je ne saurais trop conseiller par ailleurs aux curieux, voire aux sceptiques, la lecture de l’article consacré sur ce site à… Wikipédia (http://fr.wikipedia.org/wiki/Wikipédia). Après tout, L’Encyclopédie de Diderot et D’Alembert comprenait aussi un article sur elle-même. Vous trouverez des délices dans ce labyrinthe encyclopédique qui est une montagne… de connaissances

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