André Gilbertas

De la ville à la montagne

Écrire sur la montagne, c’est évoquer des périodes de ma vie au cours desquelles une passion est née. Premiers souvenirs à Faverges (Haute-Savoie) où mon père qui, pour oublier les années 14-18, m’invite à la découverte des montagnes qui nous entourent, un décor impressionnant lorsque l’on vient de la ville (Lyon) et que les plus hauts sommets sont représentés par les monts d’Or. Nous n’avons pas de voiture, les marches d’approche sont longues, on part pour la journée, le casse-croûte dans le sac à dos. Col de la Forclaz, pointes de la Sambuy et de la Belle Étoile, des noms qui me font toujours rêver. Par chance, quoique jeune, je suis alors infatigable.

Autre résidence, Bourg-en-Bresse (Ain), et la découverte des montagnes du Jura. On passe par Nantua et suivant le temps, on grimpe au-dessus du lac au bord duquel se trouve la ville, ou plus loin jusqu’au plateau de Retord ou au crêt de Chalam. L’hiver, on découvre la neige en abondance et le ski. Le plateau sera plus tard un haut lieu de la Résistance, et à Londres, le hasard me fera rencontrer un chirurgien qui s’y était fait parachuter avec du matériel médical en 1944 pour soigner des résistants blessés.

La découverte de la haute montagne se fait grâce à mon professeur de lettres au lycée. Passionné par Chamonix, je séjourne avec lui plusieurs étés dans un petit hôtel proche du bureau des guides. Courses d’entraînement au Montenvers, au Brévent et au Buet ou, lorsque mes moyens me le permettent, découverte du rocher avec de merveilleux guides qui me font découvrir certaines des aiguilles de Chamonix. Le soir, je rêve au Dru, à l’aiguille Verte, aux Grandes-Jorasses, où j’espére un jour monter…

La guerre interrompt tout sauf durant l’été 1941, quand le professeur Albert Trillat me propose d’être son compagnon pour un séjour à La Bérarde, d’où nous faisons de belles courses, l’aiguille Dibona et la Meije… Je dois ensuite ranger la montagne parmi les souvenirs pendant des années, avec comme seule approche la lecture de La montagne, revue du Club alpin français à la documentation considérable, et de quelques livres, notamment ceux concernant les ascensions du Cervin.

La paix revenue, je retrouve la montagne d’hiver avec le car qui part de Lyon à 4 heures du matin pour Megève et ses pistes du mont d’Arbois et de Roquebrune. Et le lendemain, dès l’aube, il faut retrouver mes activités et la salle d’opération. À nouveau, je me rapproche de la montagne lors de ma décision de m’installer à Chambéry, la montagne n’étant pas complètement étrangère à mon choix. C’est la merveilleuse époque de la montagne d’hiver avec les pentes de Val-d’Isère que l’on descend (imprudemment, en hors piste), suivant la progression de l’ensoleillement.

La montagne d’été me permet de découvrir les grands espaces de la haute Maurienne, de la Tarentaise, et de suivre l’installation des stations, comme Les Arcs, La Plagne…, et avec elles le grignotage des espaces naturels et les premières réactions de protection dont nous comprenons qu’elles deviennent urgentes et impératives. Ainsi est créé en 1963 le premier parc national français, la Vanoise, puis les parcs naturels régionaux des Bauges et de Chartreuse. Mon engagement municipal auprès de Louis Besson, initiateur de la loi montagne, va me permettre de servir autrement la montagne, avec ma participation à la réalisation de divers équipements chambériens, mais aussi la création du festival international des métiers de montagne et celle de l’association Montanea. Mais ceci est une autre histoire.

André Gilbertas, ancien chirurgien, président de Montanea et coprésident du festival des métiers de montagne.

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