Des femmes d’exception dans l’architecture, tout aussi exceptionnelle, de Peter Zumthor au cœur de l’alpe helvétique. Dominique Issermann a photographié l’actrice Laetitia Casta dans la quartzite des thermes de Vals. Des courbes d’humanité en résonance avec la rigoureuse géométrie de la pierre grisonne.
À flanc de montagne, la partition minérale d’une fugue bruitiste écrite pour l’eau de l’alpe. Peau de quartzite sur paroi de béton. La lumière naturelle est délicatement parcimonieuse et les ombres troublantes. Les perspectives butent sur la roche, proche, ou s’évadent vers les sommets, éloignés. La griffe du créateur écorne à peine l’adret grison. Son trait de plume, tout à la fois de majesté et d’humilité, se nourrit d’une pierre noire aux notes verdâtres et bleutées, extraite à quelques encablures de là. C’est que Peter Zumthor est homme discret, en dépit du Pritzker Prize, ce Nobel des architectes, qu’il s’est vu décerner en 2009 pour l’ensemble de sa carrière. Dont cet archipel des bains de Vals, bâti en 1996, qui a probablement fait davantage pour la notoriété du site alpin qu’un siècle entier de thermalisme. « Un monument au plaisir et à l’intelligence ». La formule est de Dominique Issermann. Elle qui a photographié Catherine Deneuve, Leonard Cohen, Bob Dylan, Françoise Sagan, Isabelle Adjani et tant d’autres, contribué encore à l’image de Sonia Rykiel ou Chanel, mais aussi arpenté, adolescente, l’arête nord-est de la Meije via le refuge de l’Aigle, éprouve un véritable coup de cœur pour cet espace qui ne peut que donner naissance à l’acte artistique. Il y a quelques années, elle avait saisi, déjà en monochrome pour un livre, trente instants du mannequin Anne Rohart, voilant sa nudité d’un simple drap blanc dans les architectures baroques du château de Maisons-Laffitte. Cette fois, c’est celle qui symbolise Marianne, Laetitia Casta elle-même, icône contemporaine de la féminité, qui prêtera ses courbes aux jeux (photo)graphiques de Dominique Issermann. Corps alangui sur un Soulages pétrifié, offrande aux gouttelettes d’une rosée alpine, baiser de naïade à la pierre, chevelure qui flottibulle et échappée belle vers la lumière des montagnes. C’est un certain esprit des lieux que Dominique Issermann a su interpréter. En eurythmie avec une muse qui l’a si brillamment inspirée.
Pascal Kober
Ce travail de Dominique Issermann a fait l’objet d’une exposition à la maison Européenne de la Photographie, à Paris, de janvier à mai derniers, ainsi que d’un beau livre, Laetitia Casta, publié aux éditions Xavier Barral (33 photographies noir et blanc, 76 pages, 59 €).