L’Alpe 85 : éditorial

Lieux de rassemblement séculaire des populations pour échanger, commercer et s’approvisionner, les foires et marchés sont aussi considérés désormais pour leur valeur patrimoniale. En témoigne la récente inscription sur la liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l’humanité de la fête des Vignerons de Vevey, née en Suisse en 1797, qui rejoint la Houtem Jaarmarkt, foire annuelle d’hiver et marché aux bestiaux de Houtem-Saint-Liévin en Belgique. L’Unesco valorise ainsi les traditions et l’ancienneté d’un événement qui revêt aussi une incontestable dimension artistique.

Si bon nombre de ces rendez-vous ont disparu au fil du temps, certains ont acquis une remarquable longévité, telle la foire de Beaucroissant en Isère dont l’origine remonterait à 1219, il y a tout juste huit cents ans  ! Avant le développement des voies de communication, ils constituent des moments incontournables de la vie économique et sociale. À lui seul, le Dauphiné compte au XVIIIe siècle une quarantaine de marchés dont la taille est notable et… quatre cent quarante quatre foires recensées en 1730. Toutes sortes de denrées et de produits sont proposés aux populations. Ainsi, ces improbables acciugai piémontais, originaires du val Maira, proche de Cuneo, région spécialisée dans le commerce de poissons conservés dans du sel.

Hier comme aujourd’hui, dans les Alpes et ailleurs, les foires et marchés sont aussi de véritables vecteurs de sociabilité et assurent une relation de proximité entre les individus à l’ère de la grande distribution et de la consommation de masse. Dans le domaine alimentaire, en particulier, les petits producteurs-commerçants peuvent offrir une assurance de qualité face aux logiques industrielles. Tandis que la population se fait plus exigeante sur l’origine des produits qu’elle achète, ces rassemblements semblent avoir de beaux jours devant eux.

Ce numéro de L’Alpe s’ouvre comme à l’habitude à bien d’autres thèmes et souligne notamment la patrimonialisation de la montagne et des espaces alpins. En atteste l’inscription sur cette même liste du patrimoine culturel immatériel de « la gestion du danger d’avalanches ». Au-delà des interrogations que peut susciter cette volonté de valoriser ainsi de plus en plus largement nos pratiques sociétales, l’occasion est belle de revenir sur le rapport que les populations des Alpes entretiennent avec leur environnement naturel dans la prévention des risques. Les connaissances scientifiques sont ainsi croisées avec des savoirs traditionnels pour favoriser la compréhension de ces phénomènes  ; démontrant une fois encore l’indispensable usage de la mémoire et de l’histoire pour le temps présent.

Olivier Cogne
Directeur éditorial

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