L’alpinisme figure désormais sur la liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l’humanité de l’Unesco. La décision prise en décembre 2019, à Bogota (Colombie), distingue une candidature portée par la France, l’Italie et la Suisse et souligne «  l’art de gravir des sommets et des parois en haute montagne  ». Au-delà de la pratique physique et de son épopée, ce sont les valeurs qui lui sont associées, les savoir-faire spécifiques et la connaissance de l’environnement que l’organisation internationale entend ainsi valoriser.

De là à dire que les refuges dont l’histoire est intimement liée à l’alpinisme connaissent une forme de patrimonialisation, il n’y a qu’un pas. Le contexte est donc propice pour s’intéresser à ce bâti si singulier, d’autant que s’ouvre au Musée dauphinois une grande exposition qui lui est entièrement dédiée, à la faveur d’une recherche conduite par l’école nationale supérieure d’architecture de Grenoble et d’une campagne photographique sans précédent du service de l’Inventaire de la région Auvergne-Rhône-Alpes.

Des premiers abris aux constructions les plus modernes pensées par les architectes, les refuges connaissent en un siècle et demi une sacrée évolution. Le tout-en-un qui se réduit à une seule pièce, constitue pendant longtemps le modèle dominant à partir de la fin du XIXe siècle, tandis qu’émerge à la même époque le chalet-hôtel, plus vaste et confortable, et gardé celui-ci. Devenus indissociables des refuges, les gardiens, figures parfois mythiques, pionniers dans leur rapport à la nature, jouent depuis longtemps un rôle essentiel dans la relation des pratiquants de la montagne à l’environnement d’altitude.

Le tourisme qui se développe dans les massifs après la Seconde Guerre mondiale engendre une nouvelle génération de lieux adaptés à des usagers plus nombreux et à des normes de sécurité toujours plus exigeantes. L’offre de services est elle-même élargie pour répondre aux besoins de pratiquants moins disposés à perdre le confort et les attributs de la vie citadine. Pour autant, au sein d’une société où la montagne offre la vision d’un des derniers territoires de liberté de la planète, les refuges s’affirment aussi, par-delà leur fonction première, comme des espaces de réflexion sur les territoires d’altitude et le monde environnant.

Impossible de terminer cet édito sans évoquer le départ à la retraite du rédacteur en chef historique de L’Alpe, Pascal Kober, qui a su façonner la revue et en faire une publication de référence. À ce dénicheur infatigable de sujets, à ce chasseur de plumes reconnu, qui a parcouru, à sa façon, tout l’espace alpin, nous adressons cette formule de circonstances : chapeau et merci l’artiste !

Olivier Cogne
Directeur éditorial

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